Decision Intelligence : Le pont entre l’investissement en IA et l’impact réel, Partie 1

Digital Business Transformation Highlights Smart Approval Systems, Workflow Automation, And Data Driven Decision Making That Enhance Efficiency, Accuracy, And Sustainable Business Growth.

Malgré des investissements massifs dans l’intelligence artificielle et les données, 70 à 80 % des projets échouent à produire des résultats mesurables. La raison : les algorithmes génèrent des prédictions, mais cela ne conduit pas automatiquement à de meilleures décisions. La Decision Intelligence (DI) intervient précisément à ce point de rupture : elle relie les potentialités technologiques aux décisions opérationnelles concrètes. Cette approche cartographie les processus décisionnels pertinents, établit des boucles de rétroaction (feedback loops) et rend les effets mesurables. Elle constitue le pont entre l’investissement technologique et la création de valeur tangible.

Decision Intelligence

Qu’est-ce que la Decision Intelligence ?

La Decision Intelligence (DI) combine la science des données, la recherche comportementale et la théorie des décisions afin de permettre aux organisations de prendre de meilleures décisions. L’approche exploite les données non seulement pour analyser le passé ou anticiper des tendances, mais surtout pour améliorer les choix eux-mêmes.

La DI prend en compte l’ensemble du processus décisionnel : de la formulation adéquate de la question à la mise en œuvre des décisions, en passant par l’analyse. Le contexte y occupe une place centrale : quels sont les objectifs de l’organisation ? Quelles contraintes existent ? Quelles distorsions cognitives influencent la conception des systèmes ?

L’idée fondamentale est simple : de bonnes données et des modèles précis ne suffisent pas si les êtres humains ne peuvent pas — ou ne veulent pas — les utiliser efficacement. La DI comble cette lacune en intégrant le technique (algorithmes, données), l’humain (psychologie, dynamiques organisationnelles) et le business (processus, chaîne d’approvisionnement, tolérances au risque, offres) — avec pour objectif de produire de réels résultats mesurables.

Decision Intelligence : la nouvelle étape des décisions fondées sur les données

Dans une perspective historique, la DI représente la cinquième étape de l’évolution des approches data-driven. Les organisations sont passées de décisions spontanées et intuitives (ad hoc), à des rapports descriptifs et diagnostiques, puis à l’analytique prédictive et prescriptive (modèles de prévision et approches d’optimisation).La Decision Intelligence se situe aujourd’hui au sommet de ce modèle de maturité : elle intègre l’intelligence humaine et machine dans des processus décisionnels continus, ancre les boucles de rétroaction et les aligne sur le contexte organisationnel.

Di Maturitylevel

Decision Intelligence Maturity Model (5 niveaux)

En situant explicitement la DI dans ce continuum, on la reconnaît à la fois comme l’aboutissement des développements précédents et comme un nouveau départ : alors que les étapes antérieures se concentraient sur la rétrospection ou la prévision, la DI établit une véritable architecture de la décision. Les données, les modèles et le jugement humain y sont intégrés dans des systèmes adaptatifs, capables d’apprendre et orientés vers les résultats.

Boucles de rétroaction et facteur humain

Une caractéristique centrale de la DI est l’utilisation de feedback loops. Les décisions ne sont que rarement des événements ponctuels : elles se répètent, évoluent et s’influencent mutuellement au fil du temps. La DI crée des mécanismes pour suivre les résultats, les comparer aux attentes (issues de modèles, prévisions, objectifs stratégiques ou digital twins) et affiner le processus décisionnel. Sans ces boucles, les organisations ne peuvent pas savoir si leurs décisions assistées par IA sont réellement efficaces.

Tout aussi décisif est le facteur humain. L’expertise métier, le contexte stratégique et la culture d’entreprise façonnent la qualité des décisions. La DI exige donc une approche holistique, où le jugement humain et l’intelligence artificielle se complètent mutuellement. C’est le principe du Human-in-the-Loop : s’assurer que l’automatisation et l’IA renforcent la prise de décision humaine au lieu de la remplacer. En ce sens, la DI relève autant des sciences de gestion que de l’informatique.

Une approche simplifiée

Il n’existe pas encore de méthodologie universellement reconnue pour la Decision Intelligence, mais les premières approches commencent à émerger. Pratt et Malcolm en décrivent une sous la forme d’une méthodologie en cinq phases : Requirements, Modelling, Reasoning, Action et Review. Au cœur de cette méthode se trouve une séquence simple : d’abord définir clairement les résultats visés, ensuite identifier les décisions qui façonnent ces résultats, et seulement après déterminer quelles données, modèles ou informations sont nécessaires pour les soutenir.
De nombreux projets d’IA échouent parce qu’ils inversent cette logique — ils commencent par les données et les algorithmes, au lieu de partir des outcomes et des choices. Les modèles existants, tels que Data Science PM (2025), retracent certes le développement des capacités analytiques, mais ne constituent pas encore une méthodologie complète pour les flux décisionnels.

Il ne s’agit pas d’un cadre conceptuel vague, mais d’un modèle formel comportant des artefacts clairement définis, des rôles pour les parties prenantes (par exemple une Decision Team) et même l’usage de simulations permettant d’anticiper et de comparer différentes options d’action.
Les deux dernières phases — Action et Review — transforment la méthodologie en un cycle d’amélioration continue : grâce aux boucles de rétroaction intégrées, les décisions et les systèmes qui les soutiennent apprennent et s’optimisent en permanence.

Examinons trois domaines d’application

Dans la gestion du risque de crédit, les modèles de machine learning peuvent prédire avec grande précision la probabilité de défaut, mais la véritable décision consiste à déterminer si un crédit doit être accordé dans un cadre réglementaire, éthique et stratégique donné.
Dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement, les modèles prédictifs peuvent anticiper des pics de demande, mais la décision concernant les niveaux de stock exige des arbitrages entre coûts, qualité de service, résilience et satisfaction client. Dans le domaine de la santé, les systèmes d’IA peuvent signaler des anomalies sur des images médicales, mais la décision critique consiste à équilibrer les recommandations algorithmiques avec le jugement clinique, les préférences des patients et les considérations de responsabilité.

Une approche de Decision Intelligence fournit ici un cadre structuré rendant ces décisions reproductibles, transparentes et auto-amélioratives grâce aux boucles de rétroaction.
Surtout, elle comble précisément la faille où tant de projets d’IA échouent.

Vers une véritable architecture de la décision

Le potentiel de la Decision Intelligence restera limité — et souvent coûteusement — tant qu’une pratique établie d’architecture décisionnelle ne se développera pas. De la même manière que les systèmes logiciels, réseaux et organisationnels n’ont libéré tout leur potentiel qu’une fois des architectures formalisées, la prise de décision nécessite aujourd’hui la même chose : une approche systématique pour concevoir la manière dont les décisions sont identifiées, structurées, automatisées et pilotées — et surtout, comment l’IA y est intégrée.

Une telle architecture requiert des praticiens capables de faire le lien entre les domaines : ancrés dans la pratique opérationnelle, techniquement compétents et dotés d’une vision stratégique. Elle exige également l’infrastructure d’un domaine scientifique mûr : taxonomies, cadres méthodologiques, standards, descriptions de rôles et corpus de connaissances reconnu. Ces éléments font encore largement défaut aujourd’hui. Sans eux, les organisations continueront à reproduire les mêmes schémas d’échec.

Pourquoi la Decision Intelligence compte maintenant

Le moment n’est pas anodin. Les compétences en IA et en données progressent rapidement, mais la création de valeur reste difficile à saisir. La Decision Intelligence fournit le chaînon manquant en garantissant que la technologie est reliée aux décisions qui déterminent réellement les résultats. Elle redéfinit l’IA : non comme une fin en soi, mais comme un moyen.

Si l’IA et le machine learning sont les moteurs, la DI en est le système de navigation. Elle veille à ce que la puissance de calcul soit orientée vers des objectifs qui comptent vraiment et qu’elle se traduise par des résultats concrets. Sans DI, les organisations risquent de construire des moteurs toujours plus rapides — sans destination. Avec la DI, elles peuvent transformer leurs investissements en résultats mesurables et réduire le taux d’échec des projets d’IA, aujourd’hui inacceptable, à une fraction de ce qu’il est.

L’essentiel est le suivant : ce qui fonctionne dans un secteur ou un cas d’usage peut échouer dans un autre. Les nuances de contexte, de stratégie et de secteur sont déterminantes. C’est pourquoi le partage des best practices — ce qui a été tenté, pourquoi cela a réussi ou échoué — est essentiel au progrès collectif. Nous ne partons pas de zéro ; mais la discipline de la Decision Intelligence ne se développera que si les organisations codifient ensemble leurs expériences et les inscrivent dans des cadres méthodologiques communs.

 


Références

  • Lorien Pratt, The Decision Intelligence Handbook: Practical Steps for Evidence-Based Decisions in a Complex World, Emerald Publishing, 2022.
  • Cassie Kozyrkov, “Decision Intelligence: The New Discipline of Business,” Google Cloud Blog, 2019.
  • Gartner Research, “Decision Intelligence: A Practitioner’s Guide,” Gartner, 2021.
  • Sam Ransbotham, Shervin Khodabandeh, David Kiron, “Winning With AI Is a Decision, Not a Data Science Problem,” MIT Sloan Management Review, 2021.
  • Data Science PM, “Data Science Maturity Model,” Data Science PM, 2025. Available at: https://www.datascience-pm.com/data-science-maturity-model/
Creative Commons Licence

AUTHOR: Kenneth Ritley

Kenneth Ritley est professeur d'informatique à l'Institute for Data Applications and Security (IDAS) de BFH Technik & Informatik. Né aux États-Unis, Ken Ritley a déjà eu une carrière internationale dans les technologies de l'information. Il a occupé des postes de direction dans plusieurs entreprises suisses telles que Swiss Post Solutions et Sulzer et a mis en place des équipes offshore en Inde et des équipes nearshore en Bulgarie, entre autres.

AUTHOR: Benjamin Baer

Benjamin Baer possède plus de vingt-cinq ans de carrière en tant que leader stratégique du marketing dans le secteur des hautes technologies. Il est actuellement PDG de DecideWise.Net, une communauté spécialisée en Decision Intelligence regroupant praticiens et fournisseurs.

Create PDF

Posts associés

Désolé, aucun article similaire n'a été trouvé.

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *