Accessibilité grâce à la technologie ? Ce que dit la société

Img 5197

Que signifie l’inclusion pour notre société — et quel rôle joue la technologie à cet égard ? Ces questions ont été explorées par une équipe de recherche de la Haute école spécialisée bernoise lors du salon Swiss Abilities 2024 à Lucerne. À travers des entretiens avec des personnes avec et sans handicap, les chercheurs ont examiné la manière dont l’inclusion est vécue et la contribution que les aides technologiques peuvent y apporter.

L’inclusion en Suisse – entre attentes et réalité

« L’inclusion, c’est permettre à tous de participer » — aussi simple que soit cette définition, elle illustre également les défis qu’elle pose (Aktion Mensch, 2023). Au salon Swiss Abilities 2024, un stand interactif a constitué le cœur d’un projet de recherche de la Haute école spécialisée bernoise : les visiteurs ont pu tester des technologies d’assistance, telles qu’un bras robotisé ou un vélo couché, développés pour des personnes tétraplégiques ou avec une fonction motrice des bras sévèrement limitée. Ils ont ensuite partagé leurs perceptions de l’inclusion, dessinant un panorama riche et varié des représentations sociales.

Durant les deux jours du salon, 41 entretiens semi-structurés ont été réalisés avec des personnes avec et sans handicap. L’objectif : comprendre comment la société expérimente l’inclusion par la technologie. Les entretiens ont été conduits par trois physiothérapeutes de l’équipe et une collaboratrice scientifique utilisatrice d’un fauteuil roulant — un choix délibéré favorisant la confiance et la sincérité des échanges.

Les résultats offrent un tableau nuancé : les attentes envers la technologie sont élevées, mais son efficacité réelle en matière d’inclusion reste limitée lorsque les conditions sociales et structurelles ne sont pas réunies.

Img 5100

La technologie, facilitateur mais non solution

Les technologies d’assistance peuvent améliorer la mobilité, lever des barrières et renforcer l’autonomie. Pour de nombreux participants, la technologie ouvre de nouvelles possibilités via des outils numériques, des aides à la communication ou des systèmes de mobilité. La manipulation d’objets quotidiens avec le bras robotisé, comme un téléphone ou une bouteille, a particulièrement impressionné. Le vélo couché, qui permet une mobilité active malgré une paralysie sévère, a suscité un grand enthousiasme. Toutefois, il est clair que la technologie seule ne suffit pas.

Ce qui est considéré techniquement comme « accessible » est souvent peu pratique ou partiellement réalisé dans la vie quotidienne. Accès non de plain-pied, passages trop étroits, absence de portes automatiques : malgré les adaptations techniques, de nombreux lieux restent inaccessibles et le recours à une assistance humaine demeure nécessaire.

« Tout seul, par exemple au restaurant, il y a peut-être une large entrée, l’endroit est censé être accessible, mais les portes ne sont pas assez larges et trop lourdes. » (Utilisateur de fauteuil roulant, 43 ans)

La frustration du « presque accessible »

La technologie peut favoriser la participation à condition d’être pensée, planifiée et soutenue de manière cohérente. Beaucoup ont raconté des situations où des solutions techniques existaient mais n’étaient pas fiables ou accessibles.

« Si je suis en retard d’une minute, il n’y a plus d’aide de la part des CFF. » (Utilisatrice de fauteuil roulant, âge non précisé)

Autre exemple : lorsque la rampe automatique est défectueuse ou non actionnée par le chauffeur, elle devient inutile. Voyager spontanément, prendre des décisions rapides, mener une vie ordinaire reste un défi pour de nombreuses personnes concernées.

La technologie nécessite une sensibilité sociale

Les entretiens ont aussi montré que la technologie déploie son potentiel uniquement lorsqu’elle est associée à une compréhension sociale et à une véritable inclusion. L’attention, la prise en compte et la participation réelle des personnes en situation de handicap sont essentielles — non seulement en tant qu’utilisatrices, mais aussi en tant qu’expertes de l’inclusion.

« Hier, à la fête de Noël au bureau, on m’a donné un verre alors que je ne le voulais pas, et je me suis retrouvée coincée dans mon fauteuil car je ne pouvais plus le manœuvrer d’une main. » (Utilisatrice de fauteuil roulant, âge non précisé)

Ces expériences révèlent que le problème n’est souvent pas un manque d’équipement, mais un déficit de compréhension et d’empathie.

Ce qui permet une réelle participation

Malgré les obstacles, plusieurs témoignages positifs ont été recueillis : écoles dotées de rampes spécifiques, entreprises équipées de monte-escaliers.

« À notre arrivée, une rampe a été construite spécialement à l’entrée, ce qui lui permet d’entrer et d’ouvrir la porte seul, ce qui n’était pas possible auparavant. Il peut maintenant participer normalement. » (Mère d’un enfant à mobilité réduite)

Des retours encourageants proviennent aussi du sport :

« J’ai eu plusieurs expériences avec des entraîneurs très engagés où la participation était parfaitement possible. J’ai même accompagné un enfant avec une hémiplégie qui a joué dans un club de hockey ordinaire. » (Physiothérapeute, 51 ans)

L’inclusion nécessite éducation et dialogue

Un constat majeur est que même lors d’un salon spécialisé, le terme « inclusion » restait flou ou peu familier.

Les personnes sans handicap l’associaient plutôt à l’égalité sociale, tandis que celles avec handicap évoquaient les obstacles concrets et les réalités vécues.

« On pense toujours qu’aux personnes handicapées. Mais bon, aussi aux poussettes, aux personnes âgées. On se dit que ça ne nous concerne pas, mais un jour, on sera peut-être contents aussi. » (Visiteuse, 47 ans)

Cela souligne l’importance de l’éducation, de la sensibilisation et des échanges — particulièrement dans les contextes numériques et technologiques. L’inclusion n’est pas un état, mais un processus.

Conclusion : la technologie comme moyen, non comme fin

Les témoignages recueillis au Swiss Abilities montrent que la technologie peut faciliter l’inclusion, mais ne la garantit pas. Elle est un outil, non une solution miracle. Seule une technologie systématiquement accessible, abordable, compréhensible et soutenue par une ouverture sociale peut révéler tout son potentiel.

L’inclusion naît là où la technologie rencontre l’attitude inclusive.
Cela requiert des cadres politiques, des organisations engagées et la confiance pour associer activement les personnes en situation de handicap à sa conception.


Répertoire de liens

https://www.aktion-mensch.de/dafuer-stehen-wir/was-ist-inklusion

Creative Commons Licence

AUTHOR: Barbara Wortmann

Barbara Wortmann est physiothérapeute spécialisée dans les maladies neurologiques et musculosquelettiques en soins ambulatoires chez OMNIA Health Services AG. Elle poursuit un master en physiothérapie à la Haute école spécialisée bernoise. Dans sa pratique professionnelle, elle adopte une approche thérapeutique active et fondée sur des données probantes. Elle s’intéresse particulièrement à l’intégration des connaissances scientifiques dans des contextes de traitement proches du quotidien ainsi qu’aux formes de soins interprofessionnels.

AUTHOR: Anja Raab

Dr. Anja Raab dirige la recherche au Département de la santé de la Haute école spécialisée bernoise. Auparavant, elle a travaillé pendant de nombreuses années comme physiothérapeute au Centre suisse des paraplégiques à Nottwil, où elle accompagnait des personnes atteintes de lésions de la moelle épinière. Ses recherches s’inspirent de cette expérience et se concentrent sur des thèmes tels que la neuro-réhabilitation, l’inclusion, la robotique ainsi que le développement des professions de la santé.

Create PDF

Posts associés

Désolé, aucun article similaire n'a été trouvé.

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *