Utiliser un outil fondé sur des données pour réfléchir au climat de classe et au bien-être des élèves

Le quotidien des enseignants est marqué par une diversité de données, tant sur le fond que sur la forme. Ils s’appuient sur des observations informelles, le suivi des processus d’apprentissage et les évaluations pour soutenir et encourager leurs élèves. Cependant, les outils permettant de capturer et d’analyser systématiquement les dynamiques sociales en classe restent souvent absents. Un projet commun d’institutions bernoises, financé par BeLEARN, allie recherche pédagogique et informatique pour développer un outil numérique de suivi du climat social en classe. Cet outil vise à compléter la perception des enseignants par des données quantitatives, dans le but d’améliorer le climat de classe et le bien-être de tous les élèves.

Bien que cela ne soit pas immédiatement apparent, l’enseignement est l’une des professions les plus axées sur les données. Les enseignants exploitent implicitement et explicitement des données issues de l’observation continue de la vie quotidienne en classe. Celles-ci ne se limitent pas à des informations sur les capacités et les performances des élèves, mais incluent aussi des aspects tels que le climat d’apprentissage, les relations interpersonnelles et la dynamique de classe. Il est attendu des enseignants qu’ils veillent au bien-être de chaque élève et qu’ils cultivent un climat de classe positif. En tant que « main invisible », ils jouent un rôle clé dans l’organisation des interactions sociales. Pourtant, les études montrent souvent un écart entre la perception des enseignants et celle des élèves. Contrairement aux outils bien établis pour évaluer les apprentissages, les retours basés sur des données socio-émotionnelles restent encore inexplorés.

Notre recherche se concentre sur la conception d’une application logicielle qui intègre des enquêtes standardisées auprès des élèves, des analyses de réseaux complexes et des visualisations de données. Elle vise à rendre accessibles aux enseignants des informations sur les dynamiques socio-émotionnelles de manière claire et exploitable. L’objectif est double : sensibiliser aux processus sociaux en classe et aider à créer des environnements d’apprentissage inclusifs.

Un simple outil logiciel ne suffit pas

Notre projet se distingue des approches classiques où « l’informatique développe une application en réponse à des besoins métier. » Ici, nous abordons des questions complexes nécessitant une collaboration étroite entre experts en pédagogie et en informatique :

• Définition et mesure de concepts clés : Mesurer des compétences mathématiques ne représente pas un défi majeur. En revanche, qu’en est-il du bien-être ou du climat social ? Qu’est-ce qui caractérise une bonne relation ? Ces trois thématiques sont des constructions complexes, d’où l’importance de l’accompagnement par des experts dans ces domaines pour l’élaboration du cadre conceptuel et pédagogique du projet de recherche.
• Collecte des données pertinentes et de qualité : Les instruments utilisés doivent être objectifs, fiables et valides. Ils doivent permettre de distinguer les enfants qui entretiennent de bonnes relations, se sentent à l’aise, impliqués et acceptés, de ceux qui ne connaissent pas ces expériences. À ce jour, nous testons une combinaison de différentes échelles de questionnaires scientifiquement validées pour recueillir des données auprès des enfants.
• Facilité d’utilisation pour les enseignants et les apprenants : Si la simplicité et l’accessibilité sont des priorités lors de la collecte de données auprès des élèves, le véritable défi pour les enseignants réside dans la visualisation des réseaux de relations, des indicateurs de bien-être des élèves et du climat de la classe. Il est essentiel que ces visualisations ne submergent pas les enseignants par la quantité ou la complexité des données. Au contraire, elles doivent les encourager à une réflexion approfondie et à la prise de mesures concrètes. Pour atteindre cet objectif, l’outil doit offrir une interface intuitive et conviviale, rendant l’évaluation des dynamiques sociales en classe à la fois accessible et exploitable.
• Protection des données et sécurité : Les données des apprenants, en raison de leur nature sensible, doivent être collectées, stockées et analysées par les enseignants dans le strict respect des lois sur la protection des données et des normes éthiques en vigueur. Un aspect crucial de ce processus concerne la manière dont les enseignants interprètent et communiquent les résultats des enquêtes aux élèves et à leurs parents ou tuteurs. Cette question, fondamentale pour garantir une utilisation responsable et transparente des données, fait partie intégrante des objectifs du projet de recherche.
• Intégration dans l’enseignement existant : L’outil doit offrir la possibilité d’un suivi continu de la perception des élèves quant à leur expérience en classe, ainsi que de l’évolution de leur bien-être, des relations interpersonnelles et du climat général au fil du temps. Un des objectifs majeurs du projet est d’identifier les moyens les plus efficaces pour les enseignants d’intégrer cet outil dans leurs pratiques pédagogiques quotidiennes. Il s’agit également de maintenir la motivation des élèves à participer activement, tout en assurant la fiabilité et la qualité des données collectées sur le long terme. Ce volet constitue un axe de recherche clé, visant à maximiser l’impact de l’outil tout en minimisant les perturbations dans les routines éducatives.
• Collaboration en équipe : L’outil a été conçu comme un instrument facile à utiliser, visant à soutenir les enseignants dans l’analyse des dynamiques sociales au sein de la classe et à promouvoir le bien-être de tous les élèves. Toutefois, il est essentiel de souligner que les enseignants ne sont pas seuls dans leur rôle ; la collaboration professionnelle avec leurs collègues ainsi qu’avec des spécialistes est primordiale, notamment dans des situations délicates telles que le harcèlement. L’outil doit donc également favoriser cette coopération en permettant une interaction fluide avec les spécialistes de l’éducation spécialisée et du travail social scolaire. La manière de concrétiser cette collaboration dans le cadre de l’utilisation de l’outil constitue également un axe de recherche important.

La collaboration interdisciplinaire entre pédagogues et informaticiens est essentielle pour relever ces défis. Ensemble, nous cherchons à créer un outil puissant et convivial, offrant des insights significatifs sur les dynamiques sociales en classe. Cela vise à renforcer l’intégration sociale des élèves et à promouvoir un environnement d’apprentissage bienveillant, propice à la réussite de chacun.

Conclusion

L’enseignement, bien qu’il ne soit pas immédiatement perçu comme tel, est une profession profondément ancrée dans la gestion des données. Les enseignants acquièrent avec le temps une expertise remarquable dans l’interprétation et l’utilisation de ces informations. En leur offrant des outils numériques avancés, nous visons à compléter cette expertise, non à la remplacer. En enrichissant leur travail d’un outil mesurant le climat de classe, les relations sociales et le bien-être, nous contribuons à créer des environnements d’apprentissage positifs, bénéfiques à tous les élèves.

Remerciements

Nous remercions l’organisation BeLEARN pour le financement et le soutien de ce projet. Nous remercions également nos partenaires de recherche : Caroline Sahli Lozano (PHBern), Michael Eckhart (PHBern), Tina Hascher (Université de Berne), Carmen Zurbriggen (Université de Fribourg), Victoria Mirata (Haute école spécialisée à distance Suisse), Barbara Muntwyler (Mosaikschule Munzinger). Nous remercions également notre architecte logiciel Hugues Clavadetscher et nos développeurs de logiciels Roman Schneiter et Christian Schmidhalter.